Sagesse et malice de l’oiseau

Publié sur Perles d’Orphée le 29/04/2013 sous le titre « Trois conseils »

Idries Shah 1924-1996

Ce conte court n’échappe pas à la tradition soufie qui veut que chaque histoire porte en elle-même une vertu didactique ou morale, un enseignement en forme de parabole. Ainsi le formidable passeur de la pensée soufie qu’était Idries Shah, raconte-t-il cette fable édifiante dite des « trois conseils » qui met en scène la relation imaginaire entre un homme et un oiseau.

Un homme, un jour, capture un petit oiseau qu’il tient fermement emprisonné dans le creux de sa main.

L’oiseau l’interpelle et lui dit :

En quoi te serai-je utile, captif ? En revanche, si tu me rends ma liberté, je te donnerai trois conseils dont tu pourras faire le meilleur usage.

Et il enchaîne en fixant les conditions de l’opération : il donnera le premier conseil alors qu’il est encore tenu prisonnier dans la main. Le second, il le chantera depuis la plus haute branche de l’arbre voisin. Enfin il fera connaître le troisième depuis le sommet de la colline toute proche.

Marché conclu !

L’homme tenant encore l’oiseau entre ses doigts sollicite le premier conseil. Le petit volatile s’exécute :

S’il t’arrivait de perdre quelque chose d’important, ce bien  fût-il aussi précieux pour toi que ta propre existence… n’aie aucun regret !

Comme convenu, l’homme ouvre la main et l’oiseau rejoint d’un saut la branche indiquée. Le petit être à plumes livre alors son second conseil :

Ne crois rien qui ne soit prouvé… Et surtout si cela heurte le bon sens. Puis s’envole vers le sommet de la colline.

A peine posé, l’oiseau crie alors en direction de l’homme :

Pas malin, petit homme ! J’ai en moi, avalées ce matin, deux merveilleuses émeraudes d’une valeur inestimable ; si tu m’avais tué, elles seraient tiennes à présent, et tu serais riche.

Très dépité d’être passé à côté de cette fortune, l’homme demande qu’au moins le troisième conseil lui soit donné.

Et voici ce que fut la réponse de l’oiseau :

A quoi ce conseil pourrait-il bien te servir ? Je viens de te donner deux conseils dont tu n’as tenu aucun compte, et tu veux que je t’en donne un troisième ? Quelle idiotie ! Ne t’ai-je pas dit d’abord de ne regretter en rien ce que tu perds, et ensuite de ne croire que ce qui est prouvé et plausible ? Et toi, non seulement tu t’acharnes à donner foi à des affirmations improbables et ridicules, mais encore tu t’affliges de ce que tu as perdu, et qui, au vrai, n’est que superficiel.  Crois-tu vraiment qu’un aussi petit ventre que le mien soit capable de contenir les deux grosses émeraudes que tu imagines ?
Pauvre petit homme, ce troisième conseil, tu ne le mérites pas !

Et l’oiseau disparut à jamais.

Publié par

Lelius

La musique et la poésie : des voies vers les êtres... Un chemin vers soi !

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