Flâner entre le rêve et le poème… Ouvrir la cage aux arpèges… Se noyer dans un mot… S'évaporer dans les ciels d'un tableau… Prendre plaisir ou parfois en souffrir… Sentir et ressentir… Et puis le dire – S'enivrer de beauté pour se forcer à croire !
Il faut fuir par une échelle de soie, le long des murailles lisses, hors du vaste Château où règne la Mort étincelante, la fête noire des cris zébrés de silence, qui dévastent et déchirent l’humble beauté que l’on torture. Le long du mur, vers l’en bas, il faut descendre par la paroi du vertige, vers la cendre, la multitude des yeux brûlés à la cime abolie, au fond du désespoir, qu’humecte une goutte d’espérance, où l’abîme rencontre l’abîme, quand le rien étreint l’infini.
La poésie est un langage silencieux qui efface ses propres traces pour qu’on entende ce que les mots ne disent pas. Elle ne change pas la vie, mais elle tient tête au malheur en affirmant notre dignité. Elle reçoit autant qu’elle donne, permet un embrassement secret dans la nuit.
Jean Mambrino 1923-2012
Extrait d’un entretien aux ÉditionsArfuyen (01/2009)
Il n’y a pas de porte ni de gardien dans la forêt bien qu’elle soit le Temple. Rien à ouvrir ou à fermer. Chacun trouve en elle son chemin. Sa lumière dans les bouleaux. Puis les feuillages retombent et gardent le secret.
Si j’étais tant attiré par la lumière, c’est parce qu’il y avait un fond de ténèbres.
Christian Bobin – La lumière du monde / 2001
Il y a deux manières de briller, disait Paul Claudel, rejeter la lumière ou la produire.
Le plus souvent pourtant, me semble-t-il, ceux qui la produisent ne cherchent nullement à briller. Ils n’aspirent qu’à nous éclairer. Voilà pourquoi, par delà le temps, c’est dans la lumière, celle qu’ils nous offrent si généreusement, qu’on peut leur donner rendez-vous.
Orphée innombrable
Parle. Ouvre cet espace sans violence. Élargis le cercle, la mouvance qui t’entoure de floraisons. Établis la distance entre les visages, fais danser les distances du monde, entre les maisons, les regards, les étoiles. Propage l’harmonie, arrange les rapports, distribue le silence qui proportionne la pensée au désir, le rêve à la vision. Parle au-dedans vers le dehors, au-dehors, vers l’intime. Possède l’immensité du royaume que tu te donnes. Habite l’invisible où tu circules à l’aise. Où tous enfin te voient. Dilate les limites de l’instant, la tessiture de la voix qui monte et descend l’échelle du sens, puisant son souffle aux bords de l’inouï. Lance, efface, emporte, allège, assure, adore. Vis.
Jean Mambrino 1923-2012
in La saison du monde (1986)
∞
Jean-Sébastien Bach
Sonate pour orgue No. 4, BWV 528 – II Andante [Adagio] Transcription Stéphanie Paulet (violon) & Elisabeth Geiger (orgue)
Car le poète est un four à brûler le réel. De toutes les émotions brutes qu’il reçoit, il sort parfois un léger diamant d’une eau et d’un éclat incomparables. Voilà toute une vie comprimée dans quelques images et quelques phrases. Pierre Reverdy