L’herbe écoute (9) – Papillons / IV

Notre lépidoptère trouve dans ce grand pays une terre d’accueil particulière. Il y est reçu, plus qu’ailleurs peut-être, comme un important symbole de la transformation, de l’immortalité, de la joie et du bonheur conjugal. Là, philosophie et poésie sont toujours promptes à lui ouvrir les portes des légendes populaires.

Aussi n’est-il pas rare de le voir souvent dans les salles de concert de Shanghai, Pékin ou autre province, agiter ses ailes près des erhus, pipas et guqins traditionnels réunis au sein d’un orchestre symphonique terriblement occidental. Le motif est connu, il porte un nom, un titre : « Les Amants Papillons » ou La romance de Liang Shanbo et de Zhu Yingtai, probablement l’histoire d’amour la plus populaire de Chine – « Roméo et Juliette » de l’Empire du Milieu, comme certains la surnomment -, et incontestablement l’œuvre musicale la plus connue du pays.

La romance de Liang Shanbo et de Zhu Yingtai

Ce concerto pour violon s’inscrit dans une belle histoire, qui trouve son origine dans un conte populaire du temps de la dynastie Jin orientaux au IIIème ou IVème siècle :

La légende :

Une jeune fille, Zhu Yingtai, doit se déguiser en garçon pour faire ses études dans une académie exclusivement masculine. Une amitié profonde empreinte d’une sexualité ambiguë se noue dans la durée entre elle (devenue provisoirement il) et Liang Shanbo, étudiant au noble cœur. Lorsque plus tard le jeune homme découvre la réalité, il s’empresse de déclarer sa flamme, mais la bienaimée est déjà promise par son père. Malade de chagrin Liang en meurt. Sa dernière volonté : que sa sépulture soit placée près du chemin que ne manquera pas d’emprunter Zhu le jour de son mariage. Ce jour venu, un violent orage contraint le cortège nuptial à s’arrêter. La jeune femme drapée dans sa robe de cérémonie apprend alors que la tombe au bord du chemin est celle de Liang ; elle abandonne les convives et rejoint tristement la stèle pour s’y recueillir. Quand elle voit le tombeau s’ouvrir à ses pieds elle s’y jette sans une hésitation. Le ciel s’éclaircit aussitôt et tous lèvent les yeux vers les deux papillons qui virevoltent amoureusement autour du tombeau refermé.

La musique :

En 1958, deux étudiants du Conservatoire de Shanghai, He Zhanhao et Chen Gang, écrivent un court concerto pour violon inspiré du destin tragique des deux amants. Les deux compositeurs choisissent la formation de l’orchestre occidental classique auquel ils adjoignent des instruments traditionnels chinois et combinent en une fusion heureuse les modes d’écriture musicale propres à chacune des cultures. Ils emprunteront également certaines mélodies soit à l’opéra chinois, soit à des chants folkloriques.

Le violon solo joue un rôle central, non pas seulement comme simple instrument concertant, mais comme narrateur de l’histoire. Il prend aussi la voix de l’héroïne Zhu Yingtai et exprime les émotions, les joies et les peines de la jeune fille, laissant au violoncelle le rôle de Liang Shanbo.

Parlez-moi d’amour – 2 – Argile

Emmanuel Sellier - Mémoire fossile - terre cuite patinée
Emmanuel SellierMémoire fossile – terre cuite patinée
(site du sculpteur)