Verrà la morte e avrà i tuoi occhi
Verrà la morte e avrà i tuoi occhi
La mort viendra et elle aura tes yeux
questa morte che ci accompagna
dal mattino alla sera, insonne,
sorda, come un vecchio rimorso
o un vizio assurdo.
cette mort qui est notre compagne
du matin jusqu’au soir, sans sommeil,
sourde, comme un vieux remords
ou un vice absurde.
I tuoi occhi
saranno una vana parola,
un grido taciuto, un silenzio.
Tes yeux
seront une vaine parole,
un cri réprimé, un silence.
Cosi li vedi ogni mattina
quando su te sola ti pieghi
nello specchio. O cara speranza,
quel giorno sapremo anche noi
che sei la vita e sei il nulla.
Ainsi les vois-tu le matin
quand sur toi seule tu te penches
au miroir. O chère espérance,
ce jour-là nous saurons nous aussi
que tu es la vie et que tu es le néant.
Per tutti la morte ha uno sguardo
La mort a pour tous un regard.
Verrà la morte e avrà i tuoi occhi.
La mort viendra et elle aura tes yeux
Sarà come smettere un vizio,
come vedere nello specchio
riemergere un viso morto,
come ascoltare un labbro chiuso.
Ce sera comme cesser un vice,
comme voir ressurgir
au miroir un visage défunt,
comme écouter des lèvres closes.
Scenderemo nel gorgo muti.
Nous descendrons dans le gouffre muets.
22 marzo 1950

commente dans un article du "Monde des Livres" la biographie de Cesare Pavese que vient de publier Lorenzo Mondo : "Cesare Pavese, une vie". Son billet commence ainsi : - Puisqu’il est difficile de faire abstraction de son suicide lorsqu’on se penche sur la vie et l’œuvre de Cesare Pavese, autant commencer par cette tragédie. Entre le samedi 26 août et le dimanche 27 août 1950, dans une chambre quelconque de l’Albergo Roma de Turin, près de la gare, l’écrivain, âgé de 42 ans (il les aurait eus deux semaines plus tard), avale vingt comprimés de somnifère et meurt. La surprise n’est certes pas totale, car son désespoir était perceptible depuis plusieurs semaines. Il vient pourtant de remporter le prix Strega pour Le Bel Eté, il a rencontré une femme censée remplacer Constance Dowling, l’actrice américaine qui lui a inspiré ses plus beaux poèmes. « On ne se tue pas par amour d’une femme. On se tue parce qu’un amour, n’importe quel amour, nous révèle dans notre nudité, misère, absence de défenses, néant. » Il était voué à devenir un phare de l’après-guerre après avoir failli être un martyr politique.
