Encore une tasse ?

… Plus délicieux que mille baisers et plus doux que le vin des meilleurs muscats.

Balthasar Denner (1685-1749) – Jeune fille offrant le café

Le café a eu largement le temps de refroidir, me dira-t-on, depuis ce jour de septembre 2014 où « Perles d’Orphée » se proposait de le servir en billet musical à ses visiteurs

Un café ? Une cantate ? Pourquoi pas les deux !

Il avait déjà pourtant quelques années de cafetière, ce café coulé depuis l’automne 1735, dans les instruments et les gorges de la plus célèbre phalange musicale de Leipzig, le Collegium Musicum, au temps où Jean-Sébastien Bach la dirigeait une fois par semaine, au Café Zimmermann.

C’est pour tous ces brillants musiciens et en hommage à ce breuvage qu’il appréciait tant que le Maître de chapelle s’était fait un instant Maître de café, composant – une fois n’est pas coutume – une cantate comique, la sémillante Cantate du Café (Kaffekantate – BWV 211).

Le temps, certes, a remplacé le personnel, sans pour autant en affecter la qualité…
Il n’aura rien altéré de la saveur enjouée du breuvage, ni de la tendre ironie de ses arômes.

Alors, encore une tasse ?

Holly Teague (Soprano)

accompagnée par l’Ensemble  Échos

Gareth James (Flûte)
Claire Horáček (Viole de Gambe)
Róza Bene (Clavecin) 

Ei! wie schmeckt der Coffee süße,
Lieblicher als tausend Küsse,
Milder als Muskatenwein..
Coffee, Coffee muss ich haben,
Und wenn jemand mich will laben,
Ach, so schenkt mir Coffee ein!

Ah ! comme le café a bon goût !
Plus agréable que mille baisers,
Plus doux qu’un vin de muscat.
Un café, il me faut un café,
Et si quelqu’un veut me faire plaisir,
Ah ! qu’il me donne juste un café !

Méditation, arôme café…

Pour mon ami Stéphane C.

Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin, à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul.

[…]

Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.

Marcel Proust (« Du côté de chez Swann »)

Ψ

Sont-ils nombreux les chemins qui mènent au souvenir des êtres chers disparus : prière chuchotée à la flamme tremblotante d’une bougie, pierre blanche déposée sur le marbre défraîchi d’une tombe, fleur séchée retrouvée entre les vers surannés d’un vieux poème, arôme proustien d’un dernier café ensemble partagé…

Seul, retiré dans la paisible indolence d’un temple de nature, l’excellent guitariste mexicain Pablo Garibay fait tendrement frissonner les cordes de son instrument aux harmonies aromatiques du souvenir d’un dernier café qu’ils burent ensemble, son père et lui.

Suave méditation !

« El último café juntos »
(Notre dernier café ensemble)

Compositeur Simone Iannarelli
(Professeur de guitare né à Rome, enseignant à l’université de Colima, au Mexique)