
Alfred Brendel 5/01/1931 – 17/06/2025
Toujours, après une écoute du piano d’Alfred Brendel, je sens ma respiration gagner en profondeur et mon regard sur le monde prendre de la hauteur.
Franz Schubert
Quatre impromptus Op. 90 – D899

Alfred Brendel 5/01/1931 – 17/06/2025
Toujours, après une écoute du piano d’Alfred Brendel, je sens ma respiration gagner en profondeur et mon regard sur le monde prendre de la hauteur.
Franz Schubert
Quatre impromptus Op. 90 – D899
Partiellement publié sur ‘Perles d’Orphée’ le 2/04/2015
sous le titre : « Prémonitions de l’aube »
Une étrange rougeur s’élève dans le ciel. Je ne sais si c’est l’aube ou le couchant. Créez pour la lumière.
Robert Schumann – cité par Michel Schneider
in « La tombée du jour – Schumann » – Seuil – La librairie du XXème siècle
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Qui ne s’est jamais laissé emporter vers les clartés volatiles et mystérieuses des « Chants de l’aube » (« Gesänge der Frühe ») ne peut prétendre avoir aperçu un bout de l’âme de Robert Schumann tant elle est tout entière rassemblée dans les harmonies et les silences de ces cinq pièces pour piano, opus 133.
Dernier rassemblement pour un prochain et ultime voyage, on le sait aujourd’hui ; départ définitif, de la raison d’abord, vers les rivages étrangers de l’étrange, séparation sans retour, ensuite, d’avec les êtres aimés tenus désormais éloignés des enceintes de la folie.
Car cette aube naissante, apparemment apaisée, – étonnamment apaisée, quand on sait l’intensité des dépressions-hallucinations qui harcèlent le compositeur en cet automne 1853 et que l’alcool ne parvient plus à endiguer – porte déjà en elle la lumière crépusculaire de la tombée du jour.
Tombée de la nuit. Il n’est plus très loin ce sinistre soir de Carnaval, à Düsseldorf, le 27 février 1854, où des mariniers hisseront difficilement hors des eaux glacées du Rhin un homme en robe de chambre qui leur résistera énergiquement pour ne pas échapper au courant : le compositeur Schumann.
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Sans doute est-ce la dernière fois, en octobre 1853, quand Schumann écrit les « Gesänge der Frühe », que le musicien, le poète et l’homme en lui parviennent encore à raisonnablement se réunir autour du piano pour partager quelques instants de composition. Ces chants seront donc son œuvre ultime pour ce cher instrument, même si chronologiquement il conviendrait de prendre en compte les justement nommées « Variations des esprits » (« Geisterthema ») qu’il travaille encore en février 1854, et qu’il ne pourra terminer avant son internement à l’asile d’Endenich quelques semaines plus tard.

Schumann, à cette époque, ne s’appartient déjà plus, définitivement happé par les monstres de ses univers hallucinatoires désormais fermés au génie de sa création. « Les chants de l’aube » ou l‘ultime confidence pianistique de Robert Schumann… Sans doute à son épouse Clara, son éternel amour. Car, même si au final l’œuvre est dédiée à l’amie de Goethe, la poétesse Bettina Brentano, la dédicace initiale de ces pièces à Diotima, l’idéale muse de cet autre « schizophrène » de génie, le poète Hölderlin à qui Schumann adressait ainsi un salut complice, signe la pudique intention du compositeur.
Superbe fragilité du chant. Un bien émouvant adieu. Déchirant !
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Madame Mitsuko Uchida (piano)
« Gesänge der Frühe »
1/ Im ruhigen Tempo (dans un tempo tranquille) – Ré majeur
Après le thème décharné de l’introduction, les dissonances du premier choral invitent délicatement au mystère ; à voix basse ; voix perdue aussitôt pris chacun de ses essors vers le thème initial. Aube lente, encore aux prises avec les incertitudes de la nuit. Glas lointain aux échos presque religieux.
2/ Belebt, nicht zu rasch (animé, pas trop rapide) – Ré majeur
La deuxième pièce, contrapuntique, change sans cesse d’humeur. Qui peut dire où veut nous conduire son pas animé ?
3/ Lebhaft (vif) – La majeur
Le troisième « stück », plus vivant, presque virtuose, conserve un rythme soutenu d’un bout à l’autre ; un galop sans doute, au but incertain et en équilibre au bord de gouffres inconnus.
4/ Bewegt (agité) – Fa dièse mineur
Lyrique, la quatrième pièce expose sa mélodie à une pleine lumière qui rend certes plus intelligible la musique, mais l’illusion ne dure car déjà, dans un dernier murmure plusieurs fois annoncé, la boucle du temps semble se refermer.
5/ Im Anfange ruhiges, im Verlauf bewegtes Tempo (d’abord tranquille, puis tempo agité) – Ré majeur
Le choral final reprend, en écho au premier mouvement, les sonorités mystérieuses de la voix confidente. Les lueurs arpégées qui traversent sa fragile texture paraissent plus brillantes, la clarté semble progresser, mais elle est toute tournée vers un indéfinissable ailleurs. La voix s’affirme à peine, pour un peu mieux faire entendre les nostalgies de sa tonalité, avant de se résorber dans l’inéluctable nuit qui guette. Le présent s’enfuit dans la lumière. L’avenir n’échappera pas à sa prison obscure.
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La musique, toute la musique, n’est-elle pas poursuite, au-dedans de soi, de la voix perdue ? Michel Schneider

L’été respire au bout de ce récif de toits,
L’été de ton amour plein de mélancolie,
L’été qu’on voit mourir un peu dans chaque jour
Qui roule jusqu’ici ses falaises de suie.
Églogue fatiguée, l’on entend la chanson
Très pure d’un oiseau au milieu du silence.
Regarde s’enfuir le plus beau temps de la vie,
Le plus beau temps du cœur, la mortelle saison
De la jeunesse aux noirs poisons. Voici la route,
Ce saut de feu dans le délire des cigales
Et de bons parapets pour reposer tes bras.
Dans le ciel campagnard meurt le maigre charroi,
S’envolent les décors barbares des passions :
Petits balcons de fer écumant d’églantines,
Escalades des murs titubants, dérision
Des dorures, outremer houleux des orages.
Tu ne reconnais plus ces folles mousselines
Dans tout ce bleu que fait resplendir sans raison
Chaque matin, parmi plusieurs enfantillages,
L’été de ton amour, la saison du bonheur.
Tu regardes s’enfuir le plus beau temps du monde.
Albert Ayguesparse
(« Le vin noir de Cahors » – Seghers – 1957)
Biographie de l’auteur sur le site de
l‘ Académie de Langue et de Littérature Française de Belgique
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