Reprise épurée d’un billet publié sur « Perles d’Orphée » le 17/10/2014
Guidé par la lune un couple d’amants marche entre les arbres d’une forêt. La jeune femme avoue à son nouveau compagnon qu’elle porte l’enfant d’un autre à qui elle s’est abandonnée un soir de désespoir. Le jeune homme comprend, accepte, pardonne et demande enfin à être le père de cet enfant comme s’il en avait été lui-même le géniteur. La chaleur de la nuit transfigure l’enfant étranger. Le couple fusionne dans la pénombre.
Du wirst es mir, von mir gebären;
Du hast den Glanz in mich gebracht,
Du hast mich selbst zum Kind gemacht.*
*Tu le feras naître pour moi, de moi,
Tu as mis la lumière en moi,
Tu as refait de moi un enfant

C’est ce thème, romantique – ô combien ! – mis en vers par un poète symboliste de ses amis, que le jeune Arnold Schoenberg – il vient d’avoir 25 ans – illustre dans le sextuor « La Nuit transfigurée » (« Verklärte Nacht »).
Avec ce chef d’œuvre de la musique de chambre, Schoenberg, trop jeune encore pour s’en prendre ouvertement à notre vieil attachement à l’harmonie et à la mélodie, nous enveloppe dans le voluptueux et le soyeux des cordes que nous aimons, caressées dans le sens de la tonalité et toutes dédiées à l’évocation des images qu’elles sous-tendent.
« Verklärte Nacht » resplendit de toute la puissance de l’expressivité romantique.

Quelques années après la composition du sextuor, Schoenberg écrit un arrangement pour orchestre à cordes. Cette nouvelle mise en forme magnifie la dramaturgie musicale de cette « nuit » lunaire au coeur de laquelle s’épousent et se repoussent les manifestations paroxystiques de la passion.
« La nuit transfigurée », n’a jamais cessé de conquérir le public, même si l’apparition de la dissonance affirme déjà la volonté naissante du compositeur de prendre ses distances avec la tradition romantique allemande du XIXème siècle. Mais le jeune Schoenberg, à l’heure où le XXème siècle frappe déjà à la porte, est encore très admiratif des maîtres qui l’ont précédé, Johannes Brahms et Richard Wagner, aussi n’est-il pas surprenant que sa « nuit » laisse transparaître quelques similitudes avec « Tristan und Isolde » – autant par le langage musical utilisé que par les choix thématiques – nonobstant les destinées diamétralement opposées des deux couples.

Dans la lente introduction en mi mineur, le couple marche au clair de lune. Avec l’aveu de la femme, la musique s’anime, exposant le thème principal empreint de drame et d’émotion ; la réaction de l’homme se fait attendre. Sa réponse s’exprime enfin : l’amour triomphe, le premier thème revient, en mode majeur désormais : actée la « transfiguration ». En forme d’hymne à la rédemption par l’amour, une longue coda termine l’œuvre.
Un bien beau voyage romantique dans l’amour et dans la nuit, auquel nous invitent ces merveilleux musiciens du Norwegian Chamber Orchestra, qui – il faut relever la performance – jouent sans partition, pour mieux appréhender sans doute le moindre frémissement des métamorphoses de cette envoutante « nuit ».
Norwegian Chamber Orchestra
conduit du violon par Terje Tønnesen

J’en apprend tout, je l’avoue…
Et c’est très bon…
Merci à toi Lelius.
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La vie ne vaut que par ce qu’elle donne chaque jour à découvrir. Content d’avoir participé à ta découverte du jour.
Aucune phrase d’aucun roman ne m’ouvrira autant le coeur qu’un vers de poète ou qu’un trait de musique… Peut être un verre de grand vin, parfois.
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Nous sommes décidément bien semblables, jusqu’au verre de grand vin…
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ApprendS
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