Nulle des nymphes, nulle amie, ne m’attire
Comme tu fais sur l’onde, inépuisable Moi !…

Mais moi, Narcisse aimé, je ne suis curieux
Que de ma seule essence ;
Tout autre n’a pour moi qu’un cœur mystérieux,
Tout autre n’est qu’absence.
Ô mon bien souverain, cher corps, je n’ai que toi !
Le plus beau des mortels ne peut chérir que soi…

Je vous salue, enfant de mon âme et de l’onde,
Cher trésor d’un miroir qui partage le monde !
Ma tendresse y vient boire, et s’enivre de voir
Un désir sur soi-même essayer son pouvoir !
Ô qu’à tous mes souhaits, que vous êtes semblable !
Mais la fragilité vous fait inviolable,
Vous n’êtes que lumière, adorable moitié
D’une amour trop pareille à la faible amitié !
Adieu… Sens-tu frémir mille flottants adieux ?
Bientôt va frissonner le désordre des ombres !
L’arbre aveugle vers l’arbre étend ses membres sombres,
Et cherche affreusement l’arbre qui disparaît…
Mon âme ainsi se perd dans sa propre forêt,
Où la puissance échappe à ses formes suprêmes…
L’âme, l’âme aux yeux noirs, touche aux ténèbres mêmes,
Elle se fait immense et ne rencontre rien…
Entre la mort et soi, quel regard est le sien !
Paul Valéry – Fragments du Narcisse – 1920 (extraits)

L’avant moi et l’après moi se sont presqu’unis, sont presqu’un seul, et sont presque restés sans moi…
A.Porchia.
Merci Lelius…
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Voilà qui témoigne, si besoin était, que le « Moi » d’Antonio Porchia ne souffrait pas d’hypertrophie… Paul Valéry, pour sa part… Mais que j’aime sa « poésie laborieuse » – c’est ainsi qu’il qualifiait son travail.
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J’aime ce mot profondément « laborieuse »…Bien plus que le mot inspiration qui ne renvoie à rien pour moi…
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Mon âme ainsi se perd dans sa propre forêt….
Merci pour ces beautés cher Lelius !
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Merci à vous de recevoir mes choix esthétiques avec ce bel enthousiasme qui fortifie le désir d’offrir et aiguillonne le goût du partage !
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