* Au soleil couchant
O weiter, stiller Friede!
So tief im Abendrot.
Wie sind wir wandermüde–
Ist dies etwa der Tod?
Joseph von Eichendorff – Im abendrot
La musique seule peut parler de la mort
André Malraux
Et quand enfin la baguette du chef d’orchestre se lèvera pour le dernier andante, à « l’heure de tous les accomplissements » – c’est ainsi que Rilke appelle le crépuscule du soir – les musiciens, au rythme céleste d’une voix haute et belle, emporteront, en un cortège de lumières tendrement rougeoyantes, l’ultime clignement de ma paupière vers le soleil couchant.
Ma dernière question portera en elle-même sa réponse : « Serait-ce déjà la mort ? »
Splendeur parmi les splendeurs de la musique que forme la série des « Quatre derniers lieder » de Richard Strauss, « Im abendrot » (Au soleil couchant), est un hymne à la nuit qui vient. Chant serein, hommage lucide et élégiaque à la marche inexorable de la lumière vers les ténèbres et acceptation tranquille de l’inéluctable finitude.
Peut-on rêver, le temps venu, plus bel adieu à la vie ?
« Im abendrot » :
Soprano : Anja Harteros
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
Direction Mariss Jansons
Im abendrot
Wir sind durch Not und Freude
gegangen Hand in Hand;
vom Wandern ruhen wir
nun überm stillen Land.
Rings sich die Täler neigen,
es dunkelt schon die Luft,
zwei Lerchen nur noch steigen
nachträumend in den Duft.
Tritt her und laß sie schwirren,
bald ist es Schlafenszeit,
daß wir uns nicht verirren
in dieser Einsamkeit.
O weiter, stiller Friede!
So tief im Abendrot.
Wie sind wir wandermüde–
Ist dies etwa der Tod?
Joseph von Eichendorff
Au soleil couchant
Dans la peine et la joie
Nous avons marché main dans la main ;
De cette errance nous nous reposons
Maintenant dans la campagne silencieuse.
Autour de nous les vallées descendent en pente,
Le ciel déjà s’assombrit ;
Seules deux alouettes s’élèvent,
Rêvant dans la brise parfumée.
Approche, laisse-les battre des ailes ;
Il va être l’heure de dormir ;
Viens, que nous ne nous égarions pas
Dans cette solitude.
Ô paix immense et sereine,
Si profonde à l’heure du soleil couchant !
Comme nous sommes las d’errer !
Serait-ce déjà la mort ?

Richard Strauss a su dans l’écrin diaphane d’un orchestre, entre murmure et quasi-invisibilité, faire monter comme un chant d’alouette, une voix qui plane en tournoyant au-dessus du pauvre monde d’ici-bas.
Gil Pressnitzer – « La dernière hypnose du vieil enchanteur »

C’est beau comme un « laisser venir » serein et confiant…
Merci Lelius
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Comme je t’envie cet art de la synthèse : quelques mots qui disent tout.
Je comprends pourquoi je ne suis pas poète… et pourquoi j’aime tant la poésie.
Merci pour cette formidable leçon !
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Oh mais non Lelius, rien vraiment rien en moi n’aime donner de leçons en quoi que ce soit…
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Les meilleures leçons, le plus souvent, sont données sans intention. C’est bien ce qui en fait la qualité.
Mon propos n’avait ni le ton du reproche, ni celui du sarcasme. Juste l’accent de la sincérité.
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Merci.
Je t’embrasse.
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Et dire que la version Cheryl Studer/Sinopoli m’accompagne depuis 40 ans sans que j’ai lu une seule fois la traduction. Merci Lélius
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Cette musique nous enlève et nous transporte au-delà des mots. Elle dit tant. On peut comprendre qu’ils ne vous aient pas manqué.
Je n’ai jamais été très attaché à la version Studer/Sinopoli, belle certes, mais que je trouvais alors un peu trop artificielle, lui préférant, et de loin, Gundula Janowitz/Karajan.
Une magnifique version (début 2000) : Soile Isokoki/Marek Janowski. Plus aérienne et pourtant plus profonde peut-être que Harteros/Jansons. (Je ne l’ai pas choisie ici faute de vidéo).
Discophage que je suis encore (moins), je m’emballe… Pardon !
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