
« Tout misanthrope, si sincère soit-il, rappelle par moments ce vieux poète cloué au lit et complètement oublié, qui, furieux contre ses contemporains, avait décidé qu’il ne voulait plus en recevoir aucun. Sa femme, par charité, allait sonner de temps en temps à la porte. »
Cioran – « De l’inconvénient d’être né »
Écusson musical : Sheila Chandra – « Moonsung »
Je crois qu’elle est nécessaire , par paliers, cette misanthropie…
Un petit extrait de L’oubli est une tache dans le ciel de Joël Vernet, pour toi ce matin…
Loin du seuil. Souvent, je ne vais pas très loin. J’emprunte simplement le chemin m’éloignant de la maison. Je pars vers la montagne; j’ouvre les yeux. Les livres passent en moi comme des nuages.
Franchir le seuil n’est pas un abandon. Je sais la table étroite au bord de la fenêtre. Je reviendrai au soir, certain de déposer là des brassées de lumière, des brins de joie et de mélancolie, tout ce que vous voudrez. Ce qui enchante et attriste. On ne peut avoir l’un tout en rejetant l’autre. C’est la seule justice dont nous disposons tous. Je me sens léger sur le chemin, mais jamais solitaire. Je sais au loin tous mes semblables s’activant dans la vallée, entreprenant des choses folles. J’entends toutes les paroles épuisées, ce monde qui s’entête avec ses pacotilles. Rien, de cette effervescence, ne m’attire. L’oubli jaillit comme une tache, qui n’est jamais la nostalgie. Chaque événement embrase la mémoire. Le plus ancien invente ainsi l’avenir. Pour peu que l’on soit présent dans notre vie, viennent des fragments de toutes sortes qui sont des épopées, des visages d’hier et de demain, des voix à la gravité profonde. Ainsi j’écris, cédant la placer à la vie inattendue.
Et moi je reviens toujours. Surtout lorsque j’entends ta voix…
Beau dimanche Lelius.
Je t’embrasse.
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Merci pour cette belle page de sagesse.
Je ne connais pas Joël Vernet, si ce n’est son nom, lu ou entendu il y a longtemps à propos de ses rapports étroits avec le regretté et merveilleux écrivain africain qui me réjouit toujours, Amadou Hampâté Bâ.
La misanthropie chez moi est déjà sur le toit, plus de paliers. Les visages sont surtout ceux d’hier et leurs traits s’effacent de jour en jour. Les voix qui annoncent demain sonnent d’une désespérante gravité. Mais, à l’instar de Cioran exprimant son profond pessimisme, je ne suis pas malheureux, ni à plaindre, et ne ressens que très peu ce besoin de m’éloigner de mon seuil. Ou alors, comme l’âme de Baudelaire, pour aller « n’importe où ! n’importe où ! pourvu que ce soit hors de ce monde ! »
Excellent dimanche à toi !
Je t’embrasse (avec un grand sourire)
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Merci pour ce beau partage et pour le texte délicieux de Joël Vernet que je découvre à cette occasion… Merci à vous deux !
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Merci d’avoir partagé notre « échange philosophique » dominical !
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